Marche et spiritualité : A la découverte d'un des derniers espaces sauvages en Europe
- atelierterredo
- Jul 8
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A 38 ans, c’est une première pour moi : aller découvrir, seule, en parfaite autonomie ces beaux et rares espaces encore sauvages en Europe. Cet objectif exprimé en cache un plus intime, car comme tout voyage il en est un, surtout, intérieur. Je vais renouer avec une partie de mes racines en foulant des terres ancestrales, mais surtout, je vais me conencter à la source première de toute vie, cette chère Terre nourricière.
En explorant les limites physiques, je souhaite repousser celles qui me séparent de ma propre connaissance de soi. Qui suis-je ? Que suis-je venue faire ici ? Quelle est ma voie ? De grandes questions qui n’ont pas l’orgueil de trouver réponse lors d’une petite balade en Laponie, certes, mais dont ma soif intérieure a partiellement trouvé un sens dans ces étendues inhabitées à perte de vue.
Mon objectif est d’explorer ma capacité à être seule avec moi-même pendant 10j, à ne parler avec personne d’autre que mon propre esprit. A porter un sac-à-dos de 19kg, vite descendu à 17kg en découvrant que l’eau ruisselle de partout et qu’il est inutile d’en porter sur soi. Un sac qui s’allège de jour en jour, autant que mon corps et mon esprit. A me rationner, à me nourrir uniquement de ce que j’ai apporté, plus quelques baies trouvées sur le chemin : exit l’abondance du frigidaire et des étals de magasins. A chercher dans ces espaces sauvages ce qui reste de sauvage en moi, de vierge, des territoires inexplorés, encore à l’état brut, qu’aucune société, qu’aucune éducation n’est venue entraver.
Je me suis fixée 8j de marche et 2j de rab en cas de mauvais temps, mais la météo, exceptionnelle, me pousse plus loin que prévu. Ce premier voyage en Laponie je l’entreprend avec un filet de sécurité : le réseau ne passe pas, certes, et je me sens plus rassurée pour une première de déambuler sur la Kungsleden (La voie Royale) pas trop loin des refuges, juste au cas où… Les peurs que nous portons en nous sont autant de poids qui alourdissent nos sac-à-dos et nos esprits ; elles sont autant de fils tissés entre nous et les autres, qui nous empêchent de nous sentir libre ou d’accorder la liberté aux autres.
Alors au final, je marche, je marche, et je m’allège, je m’allège… mes peurs s’estompent et finissent par s’envoler.. Et plus je m’allège, plus je marche vite. Je ne sens plus le poids sur mes épaules. Je marche le double de la distance prévue, une moyenne de 36km par jour. J’ai l’impression que le temps s’étire et qu’une autre dimension s’installe. Je découvre l’exaltation d’un jour sans fin, de la course du soleil qui rebondit sur l’horizon pour continuer inlassablement à éclairer ces beaux paysages d’une luminosité douce et tendre. Les ombres sont longues, le soleil réconforte sans écraser. La liberté se lit à chaque instant, sur chaque summet, sur chaque pierre qui jonche le chemin.
La liberté d’être moi, de crier, de chanter, de m’arrêter quand bon me semble, d’observer, de continuer à marcher même si la montre, ancien vestige d’une civilisation que je fuis, affiche 22h. La liberté de manger quand je veux, alors qu’au final, la nature et l’activité physique me nourrissent tant que je n’avale qu’un maigre supplément énergétique en fin de journée. Même la sensation de faim me quitte.
Certes, ces moments idylliques sont parfois interrompus de quelques maux de pieds, de piqures de moustiques ou de rares rencontres impromptues qui me rappelaient que, oui, la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. Que la relation à la nature sauvage reste une éternelle danse d’adaptation et de respect. Que la liberté est une notion qui laisse place à la fluidité, à l’acceptation, au « flow ».
Cette première expérience a ouvert la voie à d’autres explorations, sur des chemins encore plus sauvages, dans le Sarek (le parc au 100 glaciers), au Groenland, au Svalbard ou en hiver sur le plateau du Hargandervidda. J’ai surtout ouvert en moi cet espace sauvage qui ronronne et qui ne peut plus être ignoré. La Nature m’encourage à montrer à nue, telle que je suis, à voir l’autre comme soi-même, à rencontrer l’essence de toute chose. Un chemin beau, authentique et plein d’humilité.
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